L’Espéranto est ma meilleure langue, et elle peut aussi être la vôtre.

La meilleure chose à propos de l’Espéranto ou le secret pour ne jamais arrêter de l’utiliser.

Vanege
9 min readOct 2, 2020

L’Espéranto est ma meilleure langue. Cela signifie, que la langue par laquelle je peux exprimer le plus précisément et le plus librement mes propres pensées est l’Espéranto. Je dis même, aux gens qui ne connaissent pas l’Espéranto, que je parle l’Espéranto mieux que ma langue maternelle (le français).

De fait, depuis plus de 6 ans, je ne peux pas m’arrêter d’utiliser l’Espéranto. Si j’arrêtais d’utiliser l’Espéranto (ce qu’on appelle “kabei”), je perdrais mon meilleur outil de communication, ce qui serait pour moi inacceptable.

J’ai beaucoup trop de plaisir à écrire des phrases sans être limité par mon vocabulaire (on peut construire les mots dont on a besoin en mettant ensemble des briques de sens), et j’aime beaucoup trop ne pas avoir à me relire car la langue est phonétique et régulière (il est donc beaucoup plus difficile de faire des photes).

D’ailleurs, cet article a été originellement écrit en Espéranto, car j’arrive plus facilement et rapidement à mettre mes pensées à l’écrit par l’Espéranto que par le français. D’une part, je “perds” souvent les mots en français, d’autre part, il y a plein de choses qui me ralentissent, par exemple je n’arrive jamais à mémoriser le nombre de n, l, f, r ou m (1 ou 2?) dans certains mots courants.

L’Espéranto fonctionne par des briques de sens, qu’on peut combiner pour créer de nouvelles choses dont le sens peut être déduit.

Est-il possible d’apprendre et de parler une langue mieux que sa langue maternelle ?

Bien-sûr ! C’est certainement possible par l’Espéranto. L’Espéranto est beaucoup plus simple que le français (et l’anglais). De plus, l’Espéranto donne la certitude et la tranquillité, que si on respecte quelques règles de grammaire, tout ce que l’on dira est juste. Il n’y a que très peu d’exceptions pour mettre des bâtons dans les roues.

Par exemple, un suffixe en Espéranto est toujours utilisable, et aura toujours la même signification. (On dit “visIBLE” mais “utilisABLE”, en Espéranto ce sera toujours la même terminaison “EBLA”, aucun doute possible). Là où le français a 3 ou 4 affixes, l’Espéranto en a qu’un seul, ce qui permet d’une part de ne pas avoir à mémoriser quel affixe va avec quel mot, mais aussi d’être productif : on peut sans hésiter utiliser n’importe quel affixe avec n’importe quel mot, même si personne a fait cette combinaison auparavant.

Le français a plein d’affixes redondants qui obligent de mémoriser quels mots utilisent lesquels

La grammaire de l’Espéranto est très productive. Non seulement grâce aux nombreux affixes, mais on peut également combiner des mots, et changer la terminaison d’un mot pour le définir comme nom, adjectif, adverbe (et autres) de la manière la plus claire et uniforme.

En suivant les quelques règles en Espéranto, personne ne peut me reprocher la manière dont j’écris (qui indirectement reflète ma manière de penser). Là où la grammaire du français me bloque, la grammaire de l’Espéranto me libère, et me donne la possibilité de m’exprimer vraiment comme je pense.

Comment je traduirais “La ĉiela blueco estas flora” en français ? Le français n’a pas de mot précis pour “blueco”, qui est la combinaison de la racine “blu” (bleu) et “eco” (degré ou essence). Comment traduire “flora” ? Je ne sais pas s’il existe un mot pour cela en français. C’est un adjective lié à la racine “flor” (lié aux fleurs). “Fleuresse” ou “floresque” serait une traduction (mais certainement pas “fleuri” qui signifie totalement autre chose).

Si le français était libéré de ses chaînes, et si j’aurais pu suivre ses schémas internes, j’aurais pu faire une phrase telle que “La bleueur du ciel est fleuresse.” Telle phrase en français entraîne crispation immédiate chez les entendeurs. Peut-être aurais-je dû dire “La bleuté du ciel est florale.”? En Espéranto, je n’aurais pas perdu de temps. La grammaire assure la validité et l’acceptabilité. Il y a beaucoup plus de liberté pour s’exprimer. Pas besoin de “chercher midi à quatorze heures”. Pas besoin de se creuser la tête à la recherche de mots rares. Pas besoin de chercher des expressions fixes et alambiquées. Quand on veut dire un truc, on peut le dire directement. On économise temps et énergie.

Pendant combien de temps faut-il étudier l’Espéranto pour sentir qu’on le maîtrise plus que sa langue maternelle ?

J’ai moi-même eu l’impression de maîtriser l’Espéranto mieux que le français au bout d’un an d’apprentissage. Cependant, dans mon cas, je l’ai utilisé et pratiqué pendant au moins une heure par jour. J’ai lu en entier des dictionnaires (ce que je ne recommande pas), et des livres de grammaires (ce que je recommande).

À présent, je suis en train d’apprendre le néerlandais. J’étudie cette langue pendant au moins 1 heure par jour depuis plus de 2 ans, et je pense à peine avoir le niveau que j’avais en Espéranto au bout de 6 mois. Pourtant je suis expérimenté en apprentissage de langues. Mon estimation est que comparé à l’anglais, pour atteindre un niveau conversationnel, l’Espéranto est environ 5 à 7 fois plus rapide à apprendre. Autrement dit, j’aurais pu apprendre l’Espéranto 5 à 7 fois pour le temps que j’ai passé à apprendre l’anglais. Et l’apprentissage ne s’arrête pas au bout de quelques années. Je pense à présent utiliser l’Espéranto à un niveau bien supérieur à l’anglais, et supérieur au français. Pour atteindre ce niveau en français, je pense qu’il faudrait soit régulariser la langue et changer la mentalité fermée des locuteurs aux innovations de langage, soit investir un temps plus long qu’une vie à mémoriser des mots et des expressions pour pallier au manque de productivité sémantique de sa grammaire.

Bien avant de commencer à apprendre l’Espéranto, les langues dites naturelles comme le français, l’espagnol et l’anglais me gênaient déjà beaucoup. J’ai l’impression qu’elles limitent ma capacité à m’exprimer. Je ne peux par elles qu’utiliser des mots et expressions que des personnes (qui ne sont pas moi) ont auparavant utilisé. Souvent c’était insuffisant pour faire comprendre ce que je veux ou ce que je sens. C’était frustrant, et ça l’est toujours un peu quand je ne peux pas utiliser l’Espéranto.

La chose qui m’a le plus encouragé à commencer à apprendre l’Espéranto est un article (ou une vidéo) de Claude Piron, qui dit qu’après des conférences en Espéranto, il se sent beaucoup moins fatigué qu’après des conférences dans d’autres langues. J’essaie toujours d’utiliser le meilleur outil pour atteindre mes objectifs, et l’Espéranto me semblait être le meilleur outil dans l’objectif de m’exprimer. De nombreuses personnes se contentent des outils directement disponibles, comme le clavier AZERTY, sans se soucier des manières alternatives comme le clavier BÉPO, qui est plus rapide et plus confortable. Mais il faut savoir faire l’effort de se poser des questions, d’évaluer le statu quo, de rester ouvert à changer ses opinions, de faire des recherches, et d’investir du temps sur le moyen terme pour gagner sur le long terme. Des compétences qu’on retrouve facilement chez les locuteurs de l’Espéranto.

Et Claude Piron avait raison. Quand je dois parler en anglais, je dois souvent imaginer les sons de chaque mot juste avant de les prononcer. C’est fatiguant. Je n’ai pas besoin de faire ça en Espéranto, car la langue est écrite de manière phonétique. Du coup, quand je parle en Espéranto, je peux directement utiliser ma mémoire de la forme écrite. C’est plus rapide et plus confortable pour moi. Je ne dois jamais garder en tête une liste d’exceptions dans la peur de faire une erreur. Tout le processus de pensée va dans une direction, sans coupure, sans doubles vérifications. J’ai plus rapidement confiance dans ce que je dis. Tout sort plus vite.

Cependant, pour atteindre le point où on se sent plus libre en Espéranto que dans une langue traditionnelle, on doit apprendre une nouvelle manière de penser vis-à-vis de l’usage d’une langue. La manière traditionnelle est “tout est faux, sauf en cas d’autorisation”. Les livres de grammaire des langues traditionnelles sont tournés vers “ce que l’on ne peut pas faire”. En Espéranto la manière de penser est inverse : “tout est juste, sauf en cas d’interdiction”. La grammaire est juste là pour donner des outils en plus. En cas de doutes sur la validité d’une phrase, on a généralement le droit de s’en servir. Souvent on dit, que tout ce qui est compréhensible est juste. Ce n’est pas tout à fait vrai, mais c’est beaucoup plus le cas que dans les langues traditionnelles non construites dont les irrégularités accumulées pendant des millénaires font partie intégrante et inévitable du parler correct.

Quels cours d’Espéranto pour sentir qu’on maître la langue?

Quelques cours sont meilleurs que d’autres pour transmettre cette idée, qu’on peut parler l’Espéranto mieux que sa langue maternelle. Je pense que les cours qui se concentrent sur la grammaire sont meilleurs que ceux basés sur la traduction ou sur la répétition de phrases provenant d’autres locuteurs. Je ne dis pas que ce sont les seuls à utiliser, mais ce sont ceux à prioriser. Chaque point de la grammaire en Espéranto, par exemple chaque suffixe, donne des possibilités d’expressions qui ne sont pas toujours utilisées en pratique, mais qui sont possibles.

Il faut mieux donc apprendre non pas seulement ce qui est fait, mais ce qui est possible. De telle manière, on peut vraiment s’exprimer en Espéranto de la manière qu’on trouve la plus adaptée pour communiquer ce que l’on veut dire. Souvent il faut mieux apprendre à construire soi-même un mot que de le chercher dans un dictionnaire (qui ne l’aura pas forcément ou aura seulement une approximation.) Je pense qu’on maîtrise une langue pas quand on répète, mais quand on crée.

Si possible, il faut préférer les cours avec des humains. Le fait de pouvoir connaître la validité de ses propres phrases permet de rapidement avoir la sensation que la langue est un outil pour soi, et pas que pour écouter les autres. (Où trouver des Espérantistes qui peuvent répondre à ses questions ? Le top est Telegram, mais il y a également des meet-ups et ils sont sur à peu près tous les réseaux sociaux.)

Le cours le plus populaire pour apprendre l’Espéranto en ce moment est Duolingo. Duolingo n’est pas mauvais, c’est même assez pratique pour mémoriser plein de racines de mots, mais vis-à-vis de la grammaire, je dirais que c’est presque insuffisant. Deviner les règles de grammaire via la seule traduction ne donne pas l’impression qu’on peut aller au-delà de ce qui est présenté en français ou en Espéranto. De plus, n’importe quelle technique d’apprentissage basée sur la traduction donne l’idée à l’apprenant que chaque mot d’une langue correspond à un mot d’une autre langue, ce qui est souvent pas le cas en Espéranto (d’une part car un mot en français peut signifier de nombreuses choses, alors qu’un mot en Espéranto est souvent plus précis ou plus spécifique, d’autre part car un mot en Espéranto (créé par combinaison d’éléments) a souvent aucun équivalent en français).

Personnellement, je recommande lernu, qui donne un accent suffisant sur la théorie, tout en lisant en parallèle des articles concernant la grammaire (notamment sur la formation de mots). De plus, essayez de consommer de l’Espéranto régulièrement, et de régulièrement en écrire. Cela permet de s’assurer que ce que vous écrivez est compréhensible. (Les réseaux sociaux comme Twitter et Reddit sont très bon pour cela. Rappel, le top étant toujours Telegram, la messagerie instantanée préférée des Espérantistes.)

D’ailleurs, n’utilisez jamais Google Translate pour produire du texte en Espéranto. Essayez toujours de partir de vos propres connaissances. Via Google Translate, votre texte ne peut qu’être bizarre, car Google Translate va vous donner des mots, souvent justes, mais beaucoup trop rares ou traduits trop littéralement. Il faut mieux utiliser des mots compréhensibles par tous les Espérantistes (la majorité étant des débutants), en réutilisant et combinant des éléments fréquents. Il est toujours mieux de demander à un locuteur plus compétant de relire. Pour en trouver, ce groupe Telegram est plutôt bien.

Aussi tôt que possible, il faut s’entraîner à utiliser des dictionnaires en Espéranto comme Vortaro.net et Reta-Vortaro. C’est quand on arrive à comprendre des mots en Espéranto par leur définition en Espéranto qu’on arrive (un peu) à être indépendant de l’influence de sa langue maternelle. À partir de là, on peut utiliser des livres de grammaire (dont le meilleur: PMEG), pour apprendre précisément comment chaque détail de la langue permet de dire des choses de manière beaucoup plus concise et précise. C’est très intéressant, et c’est pas du tout l’expérience qu’on a des livres de grammaire du français, lesquels sont une accumulation d’interdictions et d’exceptions.

Mots de la fin

Comparé aux langues qui n’ont pas été construites, l’Espéranto a peu de règles à mémoriser. On peut réutiliser les règles que l’on connaît et avoir la certitude qu’on va être compris et non embêté. La possibilité de créer de manière illimité de nouveaux mots en combinant des concepts basiques permet de s’affranchir de la charge énorme de mémorisation d’exceptions et de synonymes. On peut créer à la volée de nouveaux mots, pour chaque concept qu’on veut exprimer avec précision. Ces mots seront compris par tous ceux qui ont appris les bases de la formation de mots en Espéranto. Cela fait qu’on est presque jamais bloqué, et on peut sans gêne exprimer en détails ses sentiments personnels les plus profonds dans une plus grande assurance d’être compris.

C’est pour cela que j’aime utiliser l’Espéranto, et que je ne peux pas arrêter de m’en servir. C’est pour cela que je souhaite que plus de gens découvrent l’Espéranto, car beaucoup de personnes n’arrivent pas à s’exprimer facilement ou aisément, et à ce sujet l’Espéranto peut beaucoup aider.

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